SOCIAL TRAITRE N°2

Le second numéro de Social Traitre paraît version papier fin mai 2008. Le mouvement "oui/non/oui mais" la gratification des stages en secteur social s'essoufle, mais le comité des directeurs associés transforme l'essai, avec un fanzine plus éttoffé. Satirico-poètique, toujours, le ton est donné. Les dents grincent, les zigomatiques gigotent et la question demeure: c'est du lard ou du cochon?

Editorial

La nécessaire culture de l'impuissance.

Nous sommes ravis. Positivement ravis. Rationnellement ravis. Pourquoi? Parce que les travailleurs sociaux en formation sont mo-bi-li-sés! Voilà une bonne nouvelle! Une vraie source claire de satisfaction! Et notre béatitude ne se rapporte évidemment pas aux revendications obscures et égalitaristes portées par les étudiants. Non. Social Traitre est un fanzine sérieux qui n'a que faire des élans boutonneux et gauchisants, trop facilement étiquetés « mouvement sociaux » par leurs protagonistes. Nous n'y croyons pas et ne voulons pas y croire. D'ailleurs la cause est entendue. La formation en travail social aura sa gratification! En l'état et clés en main, quoiqu'en pensent les aspirants bolchéviques qui ont le front de combattre les discriminations (nécessaires) qu'elle induit comme le rôle financier accordé (enfin) aux structures qui les accueillent en stage et qui vont tout de même pouvoir exiger un minimum de rentabilité aux stagiaires à qui elles daignent ouvrir leurs portes. Oui, vraiment, cette gratification, bien qu'abjecte, est une bénédiction pour le travail social qui entre ainsi de plein pied dans la modernité par la grâce de la sainte trinité: Concurrence, Efficacité, Rentabilité (C.E.R.).

Alors pourquoi sommes nous ravis de cette mobilisation, si nous nous opposons à ses revendications? Car en vérité, c'est une excellente occasion pour les aspirants professionnels du contrôle social de prendre conscience de la réalité du travail social, et de le considérer enfin pour ce qu'il est: un organisme de régulation des masses au service de la paix sociale. Et cet organisme, comme le système pénitentiaire ou la politique familiale, représente une charge pour notre société qu'il convient de rationaliser. Cette gratification, qui tombe sur la gueule des étudiants comme s'ils n'avaient rien vu venir doit leur faire l'effet d'un électrochoc. Tant mieux! Il est grand temps pour la profession de mesurer le virage entreprit depuis quelques années dans les structures sociales: L'évaluation interne et externe, la remise « à plat » de cet archaïsme protecteur de convention 66... Voilà la réalité du travail social. Alors que les étudiants s'y frottent, s'y piquent, accouchent dans la douleur d'une nouvelle représentation de leurs métiers. Ça forge le caractère et puis ils apprendront d'eux même qu'ils sont impuissants, lorsqu'ils s'apercevront que leurs doléances n'ont même pas été considérées (et puis quoi encore?). Alors ils sauront toucher en bon professionnel le salaire de leur résignation. En vérité, et pour plus d'efficacité sur le terrain, Social Traitre propose que la participation obligatoire à un mouvement social soit portée aux programmes de formation des travailleurs sociaux. Le nécessaire échec de celui ci devrait suffire à leur inculquer la culture de l'impuissance, au grand bénéfice de leur pratique professionnelle.

Le directeur sportif de Social Traitre

B.D. inspirée

B.D. inspirée
le directeur sportif de social traitre

L'interview pas tout à fait fictive : Edouard Leclerc.

Un homme, un combat.

Pour l’interview de ce 2ème numéro de Social Traitre, l’équipe du fanzine est allée à la rencontre d’Edouard Leclerc, directeur des super et hyper marchés du même nom. Instant magique que cette rencontre avec un homme qui ne fait pas dans la récupération de slogans capitalistes et lutte en toute sincérité et humilité contre les discriminations de toute sorte. Hommage à l’icône de la lutte pour le pouvoir d’achat.

ST : E. Leclerc, bonjour et merci de répondre à notre invitation pour cette interview exclusive.

EL : De rien camarade ; c’est toujours un plaisir de rencontrer de vrais sympathisants tels que Social Traitre. Ce type de rencontres est, je crois, une façon de présenter aux membres du parti, que l’union des luttes est encore envisageable.

ST : C’est effectivement le sens de notre démarche. En quelque sorte, vous êtes tout comme nous, travailleur du social.

EL : Ce serait trop d'éloges de me considérer comme travailleur social mais à ma façon, je cherche, moi aussi, à œuvrer pour le bien.

ST : Justement, pouvez-vous nous expliquer le programme révolutionnaire des super et hyper marchés Leclerc ?

EL : L’idée est avant tout de répondre à la demande des sympathisants du parti qui réclament une augmentation de leur pouvoir d’achat. Nous nous trouvons actuellement dans une période d’inflation, notamment en matière d’énergie, qui met en danger le droit fondamental à la consommation. Notre lutte est donc avant tout celle de la liberté première, dont découlent toutes les autres : celle d’acheter. En oeuvrant chaque jour à la diminution des prix au sein de nos magasins, nous défendons le socle de la révolution : la consommation.

ST : Que penser de la gangrène réactionnaire qui se révolte contre cette idée, en disant que baisser les prix, c’est avant tout baisser les salaires des ouvriers et diminuer les impôts ?

EL : Ces propos ne sont ni plus ni moins que le symbole du désarroi des classes de fainéants. Les acteurs de la révolution, aujourd’hui au pouvoir, défendent le droit à la consommation. Pour mener à bien cette révolution, nous avons besoin de la flexibilité des camarades, d’une absence totale de contraintes telles que les conventions collectives ou le surplus d’impôt. En menant à bien notre programme, nous entrerons alors dans un processus où la révolution se nourrira d’elle-même. En effet, les fainéants et les réactionnaires seront non consommateurs, tandis que la révolution saura reconnaître dans les plus méritants, ses meilleurs généraux. Et puisque la révolution passe par la consommation, ce sera aux révolutionnaires ainsi choisis de pouvoir consommer. Comme le disait Che Guevarra « Le devoir de tout révolutionnaire, c’est de faire la révolution ». Ceci signifie que les plus méritants auront le droit de consommer à outrance, afin d’assurer la permanence de notre révolution. Les révolutionnaires les plus méritants œuvreront ainsi à l’instauration d’un ordre nouveau : celui du bonheur par la consommation.

ST : Mais comment étendre la révolution qui tarde encore à s’imposer à la surface du globe ?

EL : Ne soyez pas si pessimiste. La révolution va bon train en occident et nous travaillons quotidiennement à sa permanence et son élargissement. Ce dernier est indispensable, puisque comme le disait à nouveau le Che, le sort de la révolution d’une région est lié à celui de la révolution mondiale. Pour parvenir à cette mondialisation de la révolution, il convient tout d’abord de communiquer notre foi dans la société de consommation. Staline avait compris que l’un des outils les plus efficaces pour rassembler les masses autour d’un même projet était la propagande. Et je crois que nous devons suivre son chemin en renforçant encore nos efforts en publicité, afin de présenter à quel point le bonheur est lié à la consommation. Le deuxième axe majeur de notre programme est, bien évidemment, la lutte. Celle-ci passe nécessairement par un combat pour la précarisation des emplois et par l’absence de contraintes dans les régions où la révolution est déjà à un stade avancé. Mais c’est aussi imposer notre modèle révolutionnaire aux autres parties du globe. De nombreux combattants tels que Carrouf ou Elfe y œuvrent déjà quotidiennement mais cela n’est pas suffisant. L’instauration de lois révolutionnaires est indispensable pour assurer l’élargissement et la pérennisation de notre combat. C’est dans ce but que furent constituées les tribunaux et milices révolutionnaires comme le FMI ou l'OMC. Grâce au parti, la révolution est en marche. Je sais que l’impatience gagne beaucoup de partisans, mais gardez courage : la société de consommation vaincra !

Ensemble nous entonnons l’internationale libérale :

Tous ces fainéants dans la misère
Tous ces rapiats qui ont faim
Prennent mon caddie dans leur derrière
C’est l’irruption de la fin
Du futur faisons table rase
CAC 40 debout debout
Le monde mijote dans la vase
Vous n’aurez rien, nous aurons tout

Refrain:
C’est la lutte finale
Consommons et demain
Le monde libéral
Sera le genre humain.


Nous sommes les héros suprêmes
Mi Dieu Mi César et tribun
Consommateurs sauvons-nous nous-mêmes !
Les croûtons veulent une mise en commun
Soyons les voleurs prenant leur gorge
Pour laisser les petits au cachot
Faisons nous-mêmes notre éloge
Battons le pauvre tant qu’il est chaud

Refrain

L’Etat opprime, la loi triche
L’impôt saigne le malheureux
Celui qui consomme et qui est riche
Le droit du pauvre est un mot creux
Les faire languir par nos grenelles
Que le libéral devienne loi
Prenons les droits sans devoirs réels
Exclusion : ma foi, ma loi

Refrain

Les pauvres nous saoulent à jeûner
Paix entre nous, guerre aux fainéants
La terre n’appartient qu’aux premiers
Car c’est une course et nous sommes devant
Combien de leurs droits disparaissent
Dans nos châteaux et nos tours
Chaque matin leur anus se blesse
Notre soleil brillera toujours

Refrain

Les syndiqués dans leur cirrhose
Aboient, font mine d’être au travail
Ont-ils jamais fait autre chose
Que de faire chier ceux qui travaillent ?
Dans les coffres forts de nos banques
Notre or est bien défendu
En réclamant qu’on le lui rende
Le peuple pète plus haut que son cul.


Propos recueillis par le directeur de la censure de social traitre


Poèsie sophistiquée

Les chiens de garde

Contre mon cœur je vous tiens
étouffés la bouche pleine
de serments incertains
je vous tiens et vous traîne
sur le fil du rasoir

Travailleurs sociaux

L'urgence toujours le danger
signalé le fossé béant
les plaies à penser
à rien au suivant
au tour du trottoir

Travailleurs sociaux

Décorés du diplôme
vous avancez tremblant
chargés du symptôme
du stigmate sanglant
sans jamais vous revoir

Travailleurs sociaux

Vous n'ignorez rien vous
savez le bourreau la lame
quand on passe à la roue
vous épongez les larmes
sans vous en émouvoir

Travailleurs sociaux

Coupables du silence vous êtes
ennemis du peuple
mais oui mes carpettes
vous êtes accusés de savoir
de traiter et d'aider
de recevoir d'accompagner
de diagnostiquer et d'éduquer
pédagogiquement
professionnellement
et de manière salariée quelle honte
une population rejetée
fragilisée stigmatisée
exclue et délaissée
que vous connaissez mieux que quiconque
et cela sans jamais protestez
et produire au grand jour
les preuves incontestables que vous possédez pourtant
et conservez jalousement
de la violence de la société que vous servez servilement

Travailleurs sociaux

Pour cela
pour votre abnégation
à coller des pansements sur des fractures ouvertes
pour ce mal
que vous vous donnez
à agir sur les effets du mal
sans combattre le mal
pour cela
pour ce silence coupable
et cette résignation salariée
pour cela je vous plains

Travailleurs sociaux

Pour cela je vous plains
et dénonce
le mépris sophistiqué que vous affichez sans honte
dans les salons scrupuleux ou vous vous pavanez en héros
en bon père et mère de famille
comptant les années qui vous restent à rembourser la longère
auréolés du contact de la misère
et chargés de la reconnaissance des pouvoirs
et des forces de domination économiques et sociales
qui vous payent et vous flattent
vous décochent un baiser des limbes dorées où elles évoluent
comme en apesanteur
protégées par vos bons et loyaux services
chiens de garde de l'Eden
travailleurs sociaux

Le directeur sportif de social traitre

L'actualité littéraire

Sélection réalisé par le comité des pouffiasses littéromanes

Evénement: Le dernier livre de Martin Hirsh

"Les pauvres ça coûte pas cher est ça peut rapporter gros." de Martin Hirsh
Il y a de plus en plus de personnes dites «pauvres» dans notre société. C’est un constat terrible, et ses causes moins obscures qu’on ne veut bien le penser. Un enchaînement de réformes bien maîtrisées et de calculs intéressés ont créés un nouveau marché, celui de la précarité à tous prix! Martin Hirsch analyse ici avec une lucidité féroce et la franchise qu’on lui connaît comment lui et quelques comparses de l’ENA ont su profiter de la situation de millions de personnes vulnérables pour se hisser au sommet de l’Etat et s’en mettre plein la besace au passage. Tout un Art! La forme séduit, le fond vous emporte. Vous sortirez de cette lecture rassurés. A lire absolument.

Autodafé

Les ouvrages livrés à la vindicte réactionnaire du comité des pouffiasses littéromanes.

"Punir les pauvres" de Loic Wacquant
Derrière cet excellent titre, plein de promesses pour tout vrai militant de la paix sociale, se cache en vérité l'argumentaire détestable d'un gauchiste humaniste. Attention danger ! Ce torchon se permet de critiquer la nécessaire virilité sécuritaire de nos institutions pénitentiaires, poussant même le vice jusqu'à remettre en cause la nécessaire collaboration des services sociaux avec l'institution judiciaire ! Loïc Wacquant déploie toute sa lâcheté universitaire dans cet ouvrage qui n'est bon qu'à allumer le bucher sur lequel les gonzesses sociologues bruleront d'ici peu.

"Madame Bonheur"
Le bonheur est un droit. C'est ce que semble nous dire cet ouvrage compliqué, qui cache mal derrière des phrases alambiquées une philosophie au ras des pâquerettes et une idéologie confuse. La prétention de l'auteur ne saurait cacher son ambition: l'apologie irresponsable d'une vie de bohème et d'allocations sociales usurpées. Mme Bonheur ne travaille pas, évidemment, et évolue en parasite aux milieux de ses congénères besogneux, en affichant un odieux sourire. Ce sourire nous l'effacerons à coups de bottes, et enfoncerons dans son crâne dégénéré la valeur du mot travail. Ce livre doit brûler.

TEST: Quel révolutionnaire êtes-vous?

Répondez aux questions, comptez vos a, vos b, vos c, et reportez vous aux résultats pour mesurer votre capacité à changer le monde.

Seriez-vous prêt à faire la « Révolution » ?
□ A: Avec la pastèque qu’ils viennent de nous mettre dans l’cul, j’ai plutôt intérêt à ouvrir grand ma gueule !
□ B: Je sais pas, faut qu’j’demande à ma mère…
□ C: Le Grand Soir ?? Moi c’est le Petit Matin : J’vous rappelle qu’il est impératif de travailler plus pour gagner plus !

Che Guevara, pour vous, c’est plutôt…?
□ A: Un ami du peuple même si bon c’est vrai que bon… en même temps, on ne fait pas d’omelettes sans casser des œufs.
□ B: Un mec extra, j’ai tous ces disques !
□ C: Un agent de la C.I.A. infiltré qu’est parti en sucette, point.

Que signifie 1789 selon vous ?
□ A: Un tête à tête manqué, on fera mieux la prochaine fois !
□ B: Je sais pas, moi j’suis plutôt accro à la 1664.
□ C: Une honte pour la France, on en serait sûrement pas là si l’on avait laissé l’ordre naturel des choses suivre son cours.

L’état actuel du monde vous laisse à penser que…?
□ A: Qu’il serait plus facile de se tirer une balle tout de suite.
□ B: Si les ricains n’étaient pas là, bah on s’rait tous en Germanie !
□ C: Pas de chance ! La prochaine fois peut-être ! Après tout, on a que ce qu’on mérite.

Pour vous, les travailleurs sociaux ont-ils un rôle à jouer dans les luttes à venir ?
□ A: Bah, qu'ils travaillent le social, ce serait déjà bien !
□ B: Euh… pourquoi ? Y encore un truc qu’on m’a pas dit à moi. Ca va si mal que ça ?
□ C: Jamais content de toute façon. Ça pour gueuler y a du monde, mais pour aller bosser hein, y a plus personne.

Vous avez le plus de A:Vous êtes un révolutionnaire en puissance. Vous avez tout compris de ce qui se trame. À vous, on ne vous la fait pas ! En prenant les rennes du combat, vous serez un leader charismatique et mènerez le peuple à la victoire, mais de chez vous. Vous serez sûrement d’accord, on ne peut pas se permettre de gâcher un tel cerveau à faire le mariole sur des barricades.

Vous avez le plus de B:Vous êtes un révolutionnaire en sommeil. On a besoin de gens comme vous. Vous allez vite monter en grade et arriver en première ligne. Vous aurez les joies de goûter le prix du sang et des larmes avant tout les autres. Alors, à qui qu’on dit merci hein ?

Vous avez le plus de C: Vous êtes un révolutionnaire libéral. Et il en faut des gens comme vous : contre qui pourrions-nous gueuler si vous ne remplissiez cet office? Vous êtes opiniâtre, œuvrez en silence pour le meilleur des mondes possibles et ça, on ne peut pas vous dire le contraire, vous changez bel et bien le monde !

Test réalisé par le directeur aux joints de social traitre.
Social Traitre n°3 paraitra en juin 2008.
La version papier du fanzine (collector) est disponible sur simple demande mail: social.traitre@yahoo.fr

Ont participés à la création de Social Traitre n°2:
Le comité des directeurs associés
Le comité autonome aux crayons
Le comité des pouffiasses littéromanes

P.S. : Nous recherchons des militants masochistes pour assurer une diffusion décentralisé du fanzine. Contactez nous!
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